« Quand une usine devient un camp d’internement »

Extraits d’un article de Claire Lutrin dans « Industries en Provence – dynamiques d’hier et d’aujourd’hui »

« …Nous connaissons l’histoire du camp des Milles pendant la Seconde Guerre Mondiale.Ce que nous connaissions moins c’est que ce camp a été fermé pendant quelques mois durant l’année 1940. Les internés ont été déplacés à quelques kilomètres de là, dans l’usine d’un petit village jusque là bien tranquille :Lambesc (…) le 18 avril environ 400 à 500 hommes (internés et gardiens) sont arrivés à la conserverie Gillet (NDLR :ancien nom de l’Usine Beaudoux) peut-être par le train.Ils ont pénétré par la cour des livraisons,à l’arrière de l’usine, qui se trouve à 200 mètres de la gare (NDLR :ancienne gare actuellement le restaurant… la gare), et non par l’entrée qui donne sur le village (…) L’usine est donc devenue un camp d’internement de ressortissants étrangers (…) Le dortoir des prisonniers a été aménagé sans doute aux étages et contenait peut-être jusqu’à 20 personnes par pièce (…) Les 343 internés connus étaient en grande majorité allemands (180) et autrichiens (128). Les autres étaient Tchèques,Polonais, Russes. 25 étaient de nationalité inconnue.

C’étaient tous des hommes (…) La moitié d’entre eux avaient moins de 40 ans , huit avaient moins de 21 ans (…). Il est difficile de savoir comment se passait la vie au camp :les archives municipales de Lambesc relatives à l’année 1940 ont été détruites à la fin de la guerre (…) Le 12 mai le camp des Milles rouvrait pour accueillir les prisonniers allemands et la nouvelle vague d’internés. Le camp de Lambesc a fonctionné encore quelque temps .Il n’y a plus de traces de son activité après août 1940. Des témoins affirment que l’usine a été par la suite le siège de la Kommandantur en 1943 et 1944.

Après leur passage à Lambesc le devenir des internés est resté flou pour la majorité d’entre eux (…) 29 internés passés à Lambesc figurent sur les listes de déportation à partir de 1942 (…) Le problème grave (…) est d’en taire le souvenir. Il est d’en dénier l’existence et de fait condamner ces hommes à une seconde mort.

L’oubli est une mort définitive (…).

Lors d’une visite à sa permanence Claire Lutrin a demandé au Maire d’apposer une plaque commémorative en souvenir de cette page de notre histoire. Elle a obtenu un refus poli pour toute réponse. Nous pensons comme elle, qu’en ces lieux, une simple plaque permettrait d’éviter l’oubli. Pour que Beaudoux ne devienne pas, pour les générations futures, juste une résidence “fermée et sécurisée”.

Cette entrée a été publiée dans L'autrement mars 2004, Le journal "L'Autrement". Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>